La bourrée : l’âme dansante de l’Auvergne

4 mars 2025

Qu’est-ce que la bourrée ? Une définition en mouvement

La bourrée, c’est bien plus qu’une simple danse : elle est l’expression d’un patrimoine vivant qui unit musique, geste et histoire. Originaire des régions massives du Massif central, dont l’Auvergne est le cœur battant, elle trouve son nom dans le mot « bourra », qui signifie « remuer » ou « secouer ». Ce terme reflète l’énergie et la vivacité de la danse, portée par ses rythmes rapides et ses mouvements cadencés.

Typiquement, la bourrée se danse en couple, souvent dans des formations circulaires. Elle repose sur des pas simples, mais exige une grande précision rythmique. Les variantes à deux temps ou à trois temps donnent lieu à une richesse de styles propres à chaque village ou vallée, chaque communauté ayant adapté la danse à son identité sociale et culturelle.

Les origines de la bourrée : entre folklore et cour royale

Si la bourrée est aujourd’hui un symbole populaire, ses origines sont plus complexes. D’après les historiens, ses traces remontent au XVIe siècle, où elle était déjà pratiquée en milieu rural. Ce qui est fascinant, c’est que cette danse paysanne a su franchir les frontières des villages pour entrer dans l'univers fastueux des cours royales françaises sous l’Ancien Régime.

Vers le XVIIe siècle, la cour du roi Louis XIII s’éprend de danses traditionnelles, incluant la bourrée. Le compositeur Jean-Baptiste Lully inscrit même des bourrées dans certaines de ses œuvres. Mais ce passage à la cour n’a pas effacé son ancrage rural. La danse a continué à être transmise de génération en génération dans les villages, à travers les veillées dansantes et les fêtes paysannes, restant profondément liée à la terre et aux saisons.

Une musique en symbiose avec la danse

La musique qui accompagne la bourrée est tout aussi importante que les pas des danseurs. Dans le répertoire traditionnel auvergnat, plusieurs instruments occupent une place prépondérante :

  • La vielle à roue : Cet instrument emblématique de l’Auvergne produit une sonorité grinçante et mélodieuse, parfaite pour soutenir la cadence de la danse.
  • Le cabrette : Une cornemuse locale en peau de chèvre qui offre une puissance sonore et un timbre uniques.
  • L’accordéon diatonique : Arrivé plus tard dans les traditions musicales, il s’est rapidement imposé et enrichit les airs de bourrée avec sa polyvalence rythmique.

Chaque bourrée possède sa structure musicale propre, mais elles se caractérisent souvent par des phrases courtes et répétitives, conçues pour correspondre à la dynamique des pas des danseurs. L'interprétation des musiciens est essentielle : il ne s’agit pas seulement de jouer un thème, mais de dialoguer avec les danseurs, en adaptant vitesse et intensité pour maintenir leur énergie.

Une expression culturelle et sociale

La place de la bourrée dans la société auvergnate dépasse la simple dimension festive. Elle était autrefois un moment clé des rassemblements communautaires, où les villageois se retrouvaient pour danser lors des mariages, des fêtes patronales ou encore des veillées de saison. La danse facilitait aussi les rencontres amoureuses et jouait un rôle important dans la sociabilité des jeunes gens.

Dans certaines régions, la bourrée était codifiée et pouvait même être l’occasion de rivalités amicales entre villages. Les danseurs devaient montrer leur habileté et leur endurance, reflétant les valeurs d’agilité et de courage caractéristiques des communautés rurales.

Un renouveau aux XXe et XXIe siècles

À l’aube du XXe siècle, l’exode rural et les bouleversements sociaux engendrés par la modernité faillirent faire disparaître la bourrée. Ce sont principalement les collectages ethnographiques d’érudits comme Félix Arnaudin et les enregistrements des premières décennies du siècle qui ont préservé une partie de ce patrimoine. Mais c’est à partir des années 1970 qu’un véritable renouveau s’opère, avec la résurgence des musiques et danses traditionnelles dans toute la France.

En Auvergne, des groupes folkloriques voient le jour, œuvrant à transmettre la bourrée et les traditions musicales associées. En parallèle, des artistes contemporains puisent dans ce répertoire pour le réinventer. Citons par exemple le groupe Lo Còr de la Plana ou la célèbre violoncelliste Ophélie Gaillard, qui intègrent parfois des bourrées dans leurs œuvres en explorant leurs racines avec une approche novatrice.

Bourrée et modernité : une tradition réinventée

Ce qui rend la bourrée fascinante aujourd’hui, c’est sa capacité d’adaptation. Loin d’être figée, elle inspire de nombreuses créations musicales et chorégraphiques. Plusieurs festivals en Auvergne, comme le Festival de la Saint-Jean à Ambert, mettent en lumière cette richesse, en mêlant concerts de musique traditionnelle, bals folk et rencontres entre générations.

Les bals folk, très populaires dans toute la France et au-delà, participent également à ce renouveau. Ils permettent aux curieux de s’initier à la bourrée tout en découvrant d’autres danses traditionnelles issues de divers terroirs. Les musiciens, souvent issus de formations variées, expérimentent aussi des fusions entre musique traditionnelle et contemporaine, intégrant des instruments modernes ou en jouant avec des arrangements complexes.

La bourrée aujourd’hui : une empreinte vivante

La bourrée est bien plus qu’une simple danse traditionnelle de l’Auvergne. Elle est un marqueur identitaire, un lien entre les générations, une preuve vivante que les traditions populaires peuvent traverser le temps et évoluer. Que ce soit dans un petit village de montagne ou sur la scène d’un festival international, la cadence des pas et le souffle des instruments résonnent avec la force d’un patrimoine vibrant. La bourrée ne représente pas seulement le passé : elle est aussi une matière première pour l’avenir de la création artistique.

Et vous, l’avez-vous déjà dansée ou écoutée ? Si ce n’est pas encore le cas, peut-être que les échos de la bourrée vous appelleront un jour, pour vous entraîner dans l’histoire captivante de l’Auvergne en mouvement.

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